Note d’information sur la Modification du Rayonnement Solaire à l’intention des délégués de l’UNEA6

February 26, 2024

Alors que la sixième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA-6) débute à Nairobi, au Kenya, l’Alliance Hands Off Mother Earth ! (HOME) et ses alliés ont publié une nouvelle note d’information à l’intention des délégués sur un sujet qui devrait susciter de vifs débats lors de l’Assemblée : la géo-ingénierie du climat par le biais de la Modification du Rayonnement Solaire (SRM en anglais).

Vous pouvez télécharger la note d’information en français, anglais ou espagnol, ou lire la version intégrale ci-dessous.


La science est claire : nous pouvons encore empêcher des dommages irréversibles au climat, aux écosystèmes et aux droits de l’homme, et le seul moyen d’y parvenir est de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de procéder à une élimination rapide, et équitable de tous les combustibles fossiles.

La Modification du Rayonnement Solaire (MRS) décrit un ensemble de techniques de géo-ingénierie conçues pour bloquer partiellement la lumière du soleil afin de masquer l’effet de réchauffement des gaz à effet de serre. Elle n’agit en rien sur les causes profondes du changement climatique, elle est intrinsèquement imprévisible et risque de déstabiliser davantage un système climatique déjà perturbé. Ce n’est ni une assurance pour “gagner du temps”, ni une forme de complément aux mesures d’atténuation. La géo-ingénierie solaire est la recette d’un désastre qui retarde l’action climatique et les vraies solutions, et qui fait courir des risques inacceptables à nos communautés et à nos écosystèmes.

Les techniques de MRS largement débattues, telles que l’Injection d’Aérosols Stratosphériques (SAI) et l’Éclaircissement des Nuages Marins (MCB), présentent le risque supplémentaire d’un “choc de terminaison”, à savoir l’augmentation rapide des températures mondiales si ces injections devaient, pour quelque raison que ce soit, être interrompues. Pour le SAI, cela signifie que les injections de produits chimiques dans la stratosphère devraient se poursuivre pendant au moins un siècle, cela implique une continuité politique sur plusieurs générations, ce qui est pratiquement impossible à garantir.

Outre les risques environnementaux, sociaux et politiques graves – qui incluent de sérieuses menaces pour la biodiversité et la sécurité alimentaire – le MRS lui-même présente un “aléa moral” évident, risquant de retarder les mesures climatiques significatives qui doivent être prises à court terme.

Le Comité Consultatif du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a averti que les technologies de géoingénierie “pourraient sérieusement interférer avec la jouissance des droits de l’homme pour des millions, voire des milliards de personnes”. Il a également souligné l’impact disproportionné de ces technologies sur les populations autochtones, les paysans, les pêcheurs et les autres personnes vivant dans des zones rurales. Ces mêmes groupes ont clairement rejeté la géoingénierie comme une distraction dangereuse qui violerait leurs droits.

DÉCISIONS DES ÉTATS AFRICAINS ET EUROPÉENS SUR LE SRM

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE AFRICAINE SUR L’ENVIRONNEMENT/19/6

DÉCISION 19/5 : CHANGEMENT CLIMATIQUE15.

Exprimer les préoccupations que suscite la promotion des technologies, en particulier la gestion durayonnement solaire, et demander la mise en place d’un mécanisme de gouvernance mondiale pour la non-utilisation de la gestion du rayonnement solaire ;

RÉSOLUTION 2023/2636 DU PARLEMENT EUROPÉEN (RSP)

92. constate que la Modification du Rayonnement Solaire (MRS) suscite un intérêt scientifique et politiquecroissant, en tant qu’ensemble d’approches d’ingénierie climatique proposées pour réfléchir artificiellement lalumière du soleil et refroidir la planète, telles que l’injection d’aérosols stratosphériques ; souligne que la MRSne s’attaque pas à la cause première du changement climatique et ne constitue pas une alternative aux effortsd’atténuation ; constate l’absence de certitude scientifique quant aux effets et exprime son inquiétude quantaux risques globaux et aux impacts négatifs de la MRS sur l’environnement et sur la stabilité climatique etgéopolitique ; souligne par conséquent qu’une approche mondiale est essentielle et qu’aucun pays ne devraitexpérimenter unilatéralement cette technologie ; prend acte du blocage d’une résolution des Nations unies surla gouvernance mondiale ; invite la Commission et les États membres à lancer un Accord de Non-Utilisation auniveau international, conformément au principe de précaution et en l’absence de preuves de sa sécurité et d’unconsensus mondial complet sur son acceptabilité ;

De par leur nature même, l’impact sur le climat mondialdes technologies SRM ne peut être testé efficacementqu’au moyen de leur déploiement à grande échelle. Les petites expériences ne peuvent pas démontrer siet comment ces techniques affectent réellement lessystèmes climatiques complexes. En raison des délaiset de la complexité qu’elles requièrent, il n’y a pas deprécédent dans l’histoire de l’humanité qui permette decroire que le déploiement de ces technologies pourraitun jour être régi de manière efficace. Le risque d’undéploiement unilatéral et d’une militarisation est réel : desacteurs privés financent la recherche et une entreprise adéjà réalisé des expériences de géoingénierie solaire àdes fins lucratives.

Pour toutes ces raisons, le MRS, ainsi que d’autres formesde géoingénierie, font l’objet d’un moratoire de facto dans le cadre de la Convention sur la diversité biologiquedepuis 2010, et les techniques de géoingénierie marinefont l’objet d’une demande de réglementation accruedans le cadre de la Convention de Londres / Protocolede Londres (LC/LP), où la première interdiction degéoingénierie – sur la fertilisation des océans – a vu le jour.Des centaines de scientifiques de renommée mondialeissus de disciplines diverses et des mouvements de lasociété civile s’accordent sur la nécessité pour les Étatsd’aller plus loin et de s’engager à ne pas utiliser lestechniques de Modification du Rayonnement Solaire.

Compte tenu du travail considérable entrepris par desexperts de divers secteurs scientifiques, souvent déjàévalué par des pairs, qui ont informé les décisions del’ONU à ce jour, et de la nature de ces résultats et deleurs conclusions scientifiques, nous nous inquiétonsdes résultats qui découleraient de la création d’ungroupe d’experts comme le propose la résolutionl’AUE6 par la Suisse et la Monaco, et coparrainée par laGéorgie et Israël. La discussion sur la MRS de la manièreproposée par la résolution pourrait involontairement compromettre les décisions de la CDB et de la LC/LP,et risque de légitimer la technologie de la MRS, touten donnant une excuse aux grands émetteurs pourqu’ils ralentissent la mise en œuvre de la réductionprogressive des émissions. Le Sénégal et la Guinée,initialement co-auteurs de la proposition, ont retiré leursoutien au projet de résolution respectivement les 20 et24 février, le Sénégal soulignant l’appel des ministresafricains de l’Environnement en faveur d’un mécanismeinternational de non-utilisation dans son interventiond’ouverture.

Le large éventail de risques divers que présente lagéoingénierie solaire ne peut être réduit aux seulesdimensions environnementales, qui relèvent de lacompétence du PNUE. Nous notons également avecinquiétude que le rapport “One Atmosphere” comandépar le PNUE n’a pas fait l’objet d’un examen par des pairs,qu’il ne respecte pas les normes du GIEC et qu’il n’a pasété approuvé par le PNUE. Le rapport recommande demanière controversée d’intensifier la recherche et lesexpériences en plein air, ce qui ne ferait que favoriser ledéveloppement de la géoingénierie solaire.

En outre, les États devraient reconnaître les risques poséspar ces technologies les plus dystopiques en s’engageantà ne pas utiliser la géoingénierie solaire. La décision dela Conférence ministérielle africaine sur l’environnementappelant à la mise en place d’un mécanisme mondialde gouvernance de la non-utilisation des MRS témoigned’un leadership important, tout comme l’appel explicite duParlement européen à “initier un accord de non-utilisationau niveau international, conformément au principe deprécaution et en l’absence de preuves de sa sécurité etd’un consensus mondial complet sur son acceptabilité”.La poursuite du débat sur les technofixes planétairesperturbateurs est vraiment une distraction dangereusepar rapport à la tâche réelle et urgente qui consiste às’attaquer aux causes profondes de la crise climatique.

RECOMMANDATIONS D’ACTION À L’UNEA 6

  • Ne pas approuver la création d’un groupe d’experts ;
  • Encourager les États à soutenir l’appel à l’établissement d’un Accord de Non-Utilisation de la Géoingénierie Solaire ;
  • Réaffirmer l’importance du principe de précaution en ce qui concerne la géoingénierie solaire ;
  • Garantir une consultation rigoureuse et l’obtention d’un consentement préalable, libre et éclairé avant la mise en œuvre de tout projet affectant les droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources ;
  • Garantir l’accès à l’information et la participation du public à la prise de décision, de même que l’accès à la justice et à d’autres voies de recours contre la conduite d’activités, y compris les expériences, la recherche et la prise de décision sur la géoingénierie solaire, conformément aux dispositions de la Convention d’Aarhus et de l’Accord d’Escazu ;
  • Réaffirmer les décisions de la CDB et de la LC/LP et souligner la nécessité interdire les expériences de géoingénierie solaire en plein air ;
  • Inviter la CDB à demander aux États de mettre en œuvre la décision CBD X/33.8 (w) et à demander aux parties de faire rapport sur les mesures prises conformément à cette décision ;
  • Appeler les Parties contractantes à la Convention de Londres à permettre l’entrée en vigueur de l’amendement de 2013 au Protocole de Londres, conformément à la Résolution LP.4(8), et à faire respecter ses dispositions avant son entrée en vigueur.
  • Appeler les Parties contractantes à la Convention de Londres à permettre l’entrée en vigueur de l’amendement de 2013 au Protocole de Londres, conformément à la Résolution LP.4(8), et à faire respecter ses dispositions avant son entrée en vigueur.

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